03.06.2009

Le courant a passé immédiatement

L’information a fait l’effet d’une bombe dans la branche automobile suisse : Derendinger et Métraux Services, les deux entreprises leaders dans le secteur des pièces détachées, ont décidé d’unir leur destin. Dans un entretien exclusif accordé à A&E, les propriétaires des deux entreprises, Olivier Métraux (Métraux Services / Technomag) et Sandro Piffaretti (Derendinger) expliquent comment cet accord a pu être réalisé et ce qu’il signifie pour l’avenir de la branche. Kurt Schnyder, CEO du nouveau groupe a également pris la parole.

Le courant a passé immédiatement

Brève pause lors de leur tournée auprès de toutes les filiales Derendinger et Technomag : OLIVIER MÉTRAUX (à gauche) et SANDRO PIFFARETTI. Cette photo a été prise devant l’hôtel Elite à Bienne, en date du 25 mai dernier.

Messieurs Piffaretti et Métraux, comment l’idée vous est-elle venue de fusionner vos deux entreprises ? Qui a pris l’initiative ?

 

Sandro Piffaretti: C’est une bonne question ! (Avec un large sourire envers Olivier Métraux) Nous revendiquons tous les deux d’avoir eu cette idée. Et nous avons envoyé des signaux dans ce sens.

 

Olivier Métraux: Après avoir envoyé et reçu des signaux, nous nous sommes rencontrés et très vite le projet a pris une tournure plus concrète.

 

Quand l’étincelle qui a déclenché cette idée s’est-elle produite ? 

 

Piffaretti: Un entretien extrêmement important s’est tenu à l’avant-dernier Salon de l’Auto, en buvant un verre d’eau minérale…

 

Pourquoi avez-vous souhaité cette fusion ?

 

Piffaretti: Fusion n’est pas le terme qui convient…Nous préférons parler d’un regroupement. Les deux entreprises ont mis ensemble leur patrimoine ; à présent nous sommes interdépendants.

 

Métraux: Un point très important est la confiance. Car sans confiance un tel regroupement n’aurait pas été possible. Dès le début de nos rencontres nous avons toujours exprimé un respect mutuel. La dimension humaine a constitué une condition déterminante.

 

Comment l’annonce de ce regroupement a-t-il été perçu à l’interne ?

 

Kurt Schnyder: Après l’annonce officielle par le biais d’un communiqué de presse, les cadres des entreprises ont été informés – tout d’abord séparément, puis, le soir venu, tous les cadres de Derendinger et Métraux se sont retrouvés au même endroit.

 

Métraux: Ce fut un événement étonnant. En l’espace de quelques minutes les gens se sont mélangés, ont commencé à se parler. Nous l’avons perçu d’emblée : l’esprit de famille était préservé.

 

Piffaretti: Nous avons d’ailleurs été étonné de constater combien de dirigeants des entreprises précédemment concurrentes se connaissaient déjà.

 

Est-ce qu’il n’y avait pas une certaine crainte ?

 

Métraux: Nous mettons tout en œuvre pour l’éviter. C’est pourquoi, aujourd’hui encore nous ne cessons de communiquer. Bien évidemment les collaborateurs veulent savoir ce qui les attend. C’est pourquoi nous avons entrepris une grande tournée auprès des filiales. Il est important que les gens puissent voir que nous nous déplaçons ensemble. C’est consciemment que nous effectuons nos visites, que nous parlons avec nos collaborateurs, et tous les collaborateurs, pas seulement les cadres.

 

Piffaretti: Les craintes les plus marquées ont évidemment surgi là où il existe désormais deux filiales dans un même lieu. Mais il n’y a aucun souci à se faire, nous maintiendrons le réseau complet des filiales. A moyen terme nous pressentons plutôt un potentiel pour des filiales supplémentaires.

 

En fin de compte, ce regroupement a pour but un gain en terme de parts de marché ?

 

Métraux: Evidemment, nous n’allons pas dire non si cette possibilité existe. Mais au cœur de cette décision se trouve le client. Fondamentalement, par ce regroupement, nous investissons dans l’avenir de nos clients.

 

Piffaretti: C’est là un fait très important ! Il s’agit d’une stratégie délibérément orientée vers les clients. Déjà par le passé il n’y a pas eu d’affrontement, nous avons même procédé à des échanges de fournitures, avec succès d’ailleurs. Cela démontre que nous ne pensons pas seulement à demain, mais aussi à après-demain !

 

Messieurs Métraux et Piffaretti : vous êtes tous les deux de fortes personnalités avec un charisme affirmé. A l’avenir, comment cette cohabitation va-t-elle fonctionner ?

 

Piffaretti: C’est essentiellement une question de respect et de confiance. Nous devons avoir une très forte confiance réciproque. Bien évidemment il en va de même avec Monsieur Kurt Schnyder, notre CEO.

 

Pourquoi le moment était-il opportun pour un tel regroupement ?

 

Piffaretti: Il y a de cela deux à trois ans une telle opération n’aurait pas pu fonctionner car nous étions alors bien trop engagés sur le plan opérationnel. Aucun de nous deux n’aurait eu suffisamment de temps pour mettre sur rails un tel projet.

 

Métraux: Notre tâche consiste à maintenir en forme les entreprises pour le futur ; c’est précisément ce que nous avons fait.

 

Que signifie « maintenir en forme pour le futur » ?

 

Piffaretti: « Disponibilité » : c’est la formule magique dans cette activité. Et j’ajoute « diversité ». A présent, encore mieux que par le passé, nous pouvons assurer ces deux vertus à nos clients, les garagistes. Car nos assortiments sont complémentaires. L’argument clé est la proximité avec la clientèle. Or, cette proximité est justement notre force et notre avantage par rapport aux distributeurs. Nous voulons non seulement maintenir notre proximité avec les clients, mais encore la renforcer.

 

Pourquoi maintenir une présence sous différentes marques ?

 

Métraux: Parce qu’elle recèle des relations intactes avec la clientèle. Il serait inapproprié de les perturber en changeant les noms des filiales.

 

Piffaretti: La future constellation entre les marques Derendinger et Technomag constitue une forme de concurrence interne que nous considérons comme très saine.

 

Schnyder: La situation est comparable avec celle d’un team de Formule 1 qui aligne avec deux voitures. Nous formons une équipe mais les deux pilotes s’efforcent de tirer le meilleur parti de leur voiture respective.

 

Êtes-vous étonnés de devoir toujours expliquer le regroupement de Derendinger et Métraux Services ?

 

Schnyder: C’est une question qu’on m’a déjà posée souvent. Pourquoi une évolution logique doit-elle être expliquée d’une manière si intense ?

 

Piffaretti: Nous recherchons le succès à LONG TERME. C’est la seule chose qui compte !

 

Métraux: Il va de soi qu’avec Swiss Automotive Group nous voulons aussi créer de la valeur, mais en faisant des affaires, pas avec de quelconques spéculations financières.

 

Pourquoi n’y a-t-il pas davantage d’entreprises qui agissent ainsi ? Pourquoi n’y a-t-il pas davantage de solutions à la Derendinger/Métraux ?

 

Piffaretti: De nombreux facteurs jouent un rôle, mais à priori c’est une question d’ego. Il faut oser franchir le cap et se rapprocher.

 

Métraux: C’est un aspect très important. Il suffit de penser aux conditions : chacun de nous deux, Sandro Piffaretti et moi, nous avons déjà tout : une entreprise et un patrimoine. Il peut prendre les décisions lui-même. Or, nous avons décidé de regrouper nos entreprises et par conséquent de renoncer à une partie de notre influence. Librement, par pure conviction.

 

L’avenir de votre entreprise a donc eu la priorité sur votre propre ego ?

 

Métraux: La meilleure réponse à cette question est une autre question : qu’est-ce qui compte le plus, l’avenir de plusieurs milliers d’employés ou les ego respectifs de deux personnes ?

 

Des problèmes vont-ils encore surgir lors du processus de regroupement qui, sur le plan technique, est tout de même passablement compliqué ?

 

Métraux: Nous avons du respect face à cette tâche. Beaucoup de travail nous attend encore, mais nous sommes très confiants.

 

Piffaretti: …et bien évidemment hautement motivés.

 

www.swissautomotivegroup.ch

www.derendinger.ch

www.metraux.com

www.technomag.ch 

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